frank dornier piano
restaurations pianos
La table d'harmonie : elle subit une pression verticale permanente résultant de l'angle d'appui des cordes sur les chevalets, que l'on appelle la charge. Avec le temps, les aléas des déménagements, des conditions d'hygrométrie variables, les collages d'assemblage de la table se fragilisent et peuvent "lâcher". Il convient d'y remédier, afin de redonner une unité - et donc une dynamique - à la table d'harmonie, véritable haut-parleur en bois des cordes. C'est là le cœur de la musicalité du piano, là où le génie du fabricant s'exprime et, plus modestement, l'habileté du restaurateur.
Le sommier de chevilles est une pièce également essentielle, dont l'état de resistance doit être suffisant pour la "tenue" de l'accord. Dans la plupart des cas, remplacer les anciennes chevilles par de nouvelles d'un diamètre ou/et d'une longueur plus forts est satisfaisant. Plus rarement, le remplacement du sommier s'avère nécessaire, requerrant, entre autres, de bonnes compétences en menuiserie et ébenisterie. Il convient de mener cette tâche avec d'excellents matériaux et la plus grande précision d'assemblage et de perçage.
Une fois ces deux précédentes étapes menées à bien, on peut procéder à l'opération de "flipotage" de la table. Consistant à fraiser les fentes en "V" pour y coller des "flipots", c.à.d. des petites baguettes de bois également en forme de "V", épousant le plus parfaitement possible le fraisage. C'est également le moment, quand cela semble nécessaire, de remplacer les pointes des chevalets, voire de reprendre sa "semelle", si cette dernière a tendance à se déchirer avec le tirant des cordes.
La repose du cadre après le changement de sommier, une opération longue et délicate. La difficulté est de repositionner le cadre afin de donner aux cordes, une fois leur montage réalisé, le bon angle d'appui (la charge). Trop de charge, le son sera court et on risque "d'enfoncer" la table, pas assez de charge et le son manquera de puissance et risque de "friser" (grésillement métalique sur les forte). On travaille sur l'épaisseur des cales du cadre sur les bords de la table d'harmonie.
Vient alors le moment du montage en cordes. Une certaine émotion à entendre la première corde "sonner". A-t-on bien réalisé les étapes précédentes ? L'opération est longue et méthodique. Bien réussir l'enroulement des cordes sur les chevilles, faire de belles bouclettes (simples façon Pleyel ou "à la française" façon Erard). Le plan de cordes doit être bien calculé. Sur les pianos français, notamment grâce aux excellentes cordes de Mr Stephen Paulello, on peut retrouver une vibration chaleureuse. Les chevilles neuves doivent redonner de "l'accroche" pour l'accordage. Puis le travail de stabilisation des 15 tonnes ou + de traction du cordage sur l'instrument...
L'ébénisterie.

Bien souvent le meuble a souffert des aléas des déménagements et de conditions de stockage délicates dans les gardes-meubles. Mais également les pots de fleurs, les sacs à main, les clefs, bibelots que l'on pose sur "l'étagère-piano", la trop grande proximité d'une cheminée, d'un radiateur, les rayons du soleil plein sud... la liste de l'irrespect que subit un piano est longue. Ferait-on subir la même chose à une guitare à un violon?

Sont alors mis à contribution les talents de l'ébéniste: re-collage de placages ou moulures en bois précieux, teintes, finition cirée ou vernis. Tout cela en épousant des formes parfois compliquées pour l'outil et la main. Un voyage dans les lieux et le temps!

Le clavier et la mécanique.

Les claviers sont recouverts d'os ou d'ivoire (d'éléphant ou de morse). Les garnitures de mortaises peuvent être en cuir ou en drap de laine. Il n'y a plus de clavistes en France (Mr Henri PRILLET a pris sa retraite à l'âge de 88 ans en 1994). BAUMGÄRTEL, en Allemagne, reste une référence mais ses tarifs sont conséquents. Dans les cas où les claviers sont trop endommagés, et si l'on veut garder un revêtement ivoire, cette dernière option reste la meilleure.

Au delà d'une certaine époque (avant la seconde guerre mondiale pour faire simple), les mécaniques, si elles restent sur les principes d 'ERARD (pianos droits et à queues), présentent des spécificités selon les marques. Et plus on recule dans le temps plus on trouve des mécaniques basés sur un autre principe que celui d'Erard (Viennoise, à baïonette, à échappement direct, Blüthner etc...)

Les opérations qui en découlent, dont le re-feutrage, s'en voient compliquées. Tous les fournisseurs ne présentent pas les mêmes techniques. Bien souvent il faut dénicher des pièces sur des mécaniques sans piano. Les techniques de collage sont à aborder différemment des mécaniques modernes et standardisées.

Les temps de recherche de fourniture adéquate et d'intervention s'en voient accrus. Le coût de certaines pièces aussi. Il est prudent, voire indispensable, de réaliser un devis précis en cours de travaux venant actualiser celui, estimatif, effectué lors de la visite du piano.

C'est, à mon sens, la difficulté et le prix à payer pour un bon résultat. Que vaudrait un instrument bien restauré en lutherie et en meuble avec un clavier revêtement plastique et une mécanique au fonctionnement incertain?